La clé de voûte d'un cartel d'intérêts

Si la vente liée perdure, c’est aussi qu’elle est au coeur d’une coalition d’intérêts gigantesques.

Animer le marché

Globalement, le système est organisé pour assurer le développement du marché informatique grand public au profit des grands acteurs, notamment par le renouvellement rapide des matériels et la prépondérance des marques de constructeurs. Les acteurs intéressés sont au moins au nombre de trois : les grands éditeurs de logiciels, les constructeurs, la grande distribution.

L’existence d’un standard matériel et logiciel est un facteur éminemment favorable. La grande distribution est demandeuse de produits simplifiés et rassurants car uniformes qu’elle peut débiter sans réel conseil, comme elle débite des yaourts. Elle est également friande de publicité pour soutenir les ventes : Microsoft et les grandes marques de PC en ont les moyens.

Autre enjeu : forcer le renouvellement. Les logiciels libres sont plutôt économes en ressources informatiques quand Windows est plus gourmand à chaque version. Cette montée en charge que le marketing cherche à faire passer pour des améliorations organise en pratique et dans les esprits la péremption des matériels. À chaque nouvelle version de Windows, il est convenu de devoir changer de matériel. (Voir : Pourquoi et comment rajeunir son PC ?)

La force des alliances

Le système de l’OEM lient encore plus profondément les constructeurs à Microsoft. D’abord, la licence OEM ne permet une utilisation que sur le matériel acheté avec elle et périt donc avec lui. Ensuite, les constructeurs font leur marge bénéficiaire sur la revente des licences. La concurrence sur le hardware est trop vive ; en octroyant sa licence à 30 euros (valeur estimée) aux constructeurs alors que par ailleurs elle est proposée à plus de 100 euros, Microsoft oriente le client vers les solutions pré-installées des marques auxquelles il garantit ainsi une marge conséquente.

Dans ces conditions, on comprend que les constructeurs ne se pressent pas de rendre sa liberté au consommateur. Commercialement dépendants de la grande distribution, ils ne veulent pas compliquer le (non-)choix du client. Structurellement dépendants de Microsoft, ils ne s’en désolidariseront pas tant qu’il gardera la position d’acteur dominant du marché que lui confère l’habitude des utilisateurs, elle-même entretenue par la vente liée.

L’empire Microsoft s’est constitué sur sa capacité à se faire des alliés qui l'aident à verrouiller le marché. L’exemple de son dernier Windows Vista servira d’illustration. Ce dernier développe en effet tout un nouvel arsenal de contrôle et de gestion des droits de propriété intellectuelle, répondant à la demande des diffuseurs de musique et autres majors du cinéma.


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