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Les services en ligne loyaux, non économiquement viables ?Nous apprenons la fermeture du service en ligne TioLive qui était une solution SaaS (software as a service - logiciel en tant que service) proposant un service complet d'ERP, de CRM et de courrier électronique. TioLive était un rare exemple commercial de service en ligne libre et loyal, au sens des statuts de l'AFUL. Sa disparition, pour cause de non viabilité financière, est forte d'enseignements pour les militants du logiciel libre que nous sommes. En effet, le fait que ce service disparaisse, alors qu'il comptait plusieurs milliers d'utilisateurs, nous démontre que les utilisateurs de services en ligne se moquent totalement de la protection de leur vie privée, du secret commercial, et de la possibilité de se « libérer » facilement du service en ligne qu'ils utilisent. La seule chose qui prime à leur yeux n'est finalement que la gratuité du service et, pour avoir du gratuit, ces utilisateurs sont prêts à fermer les yeux sur ce qui doit être (est ?) vraiment important. Si, dans le monde des ordinateurs personnels (PC, tablette, smartphone), le logiciel libre s'est fait sa place et dispose de tout un panel de modèles économiques pour assurer sa viabilité, ce n'est pas encore le cas dans l'informatique en tant que service. En effet, s'y opposent la distribution d'un logiciel à l'exploitation d'une solution en ligne. S'il est facile d'avoir des coûts de distribution marginaux, voire nuls, pour un logiciel classique, c'est beaucoup plus compliqué pour l'exploitation d'un service en ligne. Prenons un exemple, le coût par utilisateur d'un logiciel tel que LibreOffice. Il est négligeable pour la Document Foundation dans la version installée que nous utilisons. Si, en revanche, une version en ligne était proposée à tout internaute, comme le fait Google Docs, le coût annuel serait très certainement de plusieurs millions d'euros (à raison de quelques euros par utilisateur). Appliquer les « recettes » des services en ligne non libres pour récupérer ce coût n'est pas possible quand on souhaite faire Libre et Loyal. En effet, soit on monnaye l'utilisateur lui même (si c'est gratuit, c'est que vous êtes le produit) et donc on viole le secret absolu et la protection des données des utilisateurs, soit on oblige l'utilisateur à payer en mettant des verrous (sur les données de l'utilisateur, sur la solution logicielle ou des verrous juridiques) qui empêcheront de reproduire (à coût raisonnable) le même service ailleurs (chez soi, notamment) ou d'en partir aisément. Mais dans un monde ultra connecté, multi-appareils, et où l'informatique devient un outil du quotidien, se passer de services en ligne est difficile, voire devenu impossible pour les plus geeks/bidouilleurs/technophiles d'entre nous. Si nous souhaitons l'émergence d'un monde numérique ouvert et loyal, la question centrale demeure donc : Comment diminuer le coût d'exploitation par utilisateur d'un logiciel en tant que service libre et loyal pour faire en sorte qu'il soit économiquement viable afin de le pérenniser ? La solution nous permettant de regagner notre liberté en ligne reste donc notre capacité à nous affranchir de l'infrastructure mise en place par les opérateurs de Cloud Computing (au sens large du terme) et des services qu'ils proposent. C'est tout le sens de l'auto-hébergement prôné par Benjamin Bayart lors de sa conférence du 13 juillet 2007 « Internet libre, ou Minitel 2.0 ? » ou du projet FreedomBox inspiré par Eben Moglen début 2011. Je peux même citer certains NAS tels que les Synology qui, grâce à la suite logicielle fournie mais pas forcément libre, permettent d’héberger aisément de nombreux services à usage personnel. Si l'auto-hébergement répond à bon nombre d'inquiétudes, il ne répond pas au besoin -devenu réel- de pouvoir bénéficier de l'agilité et de la simplicité d'une infrastructure de type Cloud Computing. De plus, si nous voulons que l'informatique libre se démocratise au-delà des seuls informaticiens et autres geeks, pour qui passer du temps à faire de l'administration système donne (presque) autant de plaisir que boire une bonne bière, nous nous devons de créer les outils permettant à chacun de pouvoir s'y mettre facilement et y participer sans compétences techniques. Si nous imaginons le monde numérique ouvert et loyal que nous voulons pour demain, nous devons l'imaginer tel que chacun d'entre nous soit en mesure de mettre à disposition de tous de l'espace de stockage, de la puissance de calcul, de la bande passante et de proposer n'importe quel logiciel libre en tant que service afin de l'utiliser sur ses serveurs ou sauvegarder le service d'un autre dans un système d'entraide (don, échange, location de capacité). La solution de remplacement de TioLive par SlapOS va dans la direction de cette vision (pour l'instant partiellement mais la voie tracée est, à mon humble avis, la bonne). Proposer aux particuliers et aux entreprises de s'héberger soi-même (que ce soit à la maison sur sa connexion Internet personnelle ou sur des serveurs d'hébergement classiques dans un datacenter), de déployer simplement ses logiciels en tant que service et d'en ajouter de nouveaux, permet de faire émerger une infrastructure d'informatique en nuage personnel (Personal Cloud Computing) tout en créant le terreau nécessaire à la création des logiciels libres en tant que service de demain. C'est certainement une piste à suivre de près et à encourager. Comme à chaque fois qu'un projet sous licence libre donne de bons espoirs pour faire avancer notre monde numérique sur la route de la liberté et de la loyauté, son succès ou son échec dépendra de nous et de notre implication. Toute la question reste donc de savoir si nous, militants pour une informatique libre, laisserons ce projet dans les seules mains des quelques entreprises qui le développent ou si nous allons y participer activement afin de faire en sorte qu'il rende les services que nous attendons de lui et faire en sorte qu'il soit utilisable par d'autres personnes que les seuls développeurs. |
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