Niches : encore une rente d'un milliard par an en France

Le commerce extérieur de la France est grevé par un milliard d'euros incompressible versé à Microsoft

Depuis des années, un milliard d'euros par an, c'est le montant des logiciels achetés automatiquement à Microsoft chaque année en France. Les gouvernements français successifs et certains députés rendent ce chiffre incompressible.

Pourquoi un milliard par an ? Comme décrit dans le livre de P. et  T. Noisette La bataille du Logiciel Libre, un indicateur pertinent selon Microsoft est son chiffre d'affaire annuel par ordinateur de type PC. En 1995, il était de 160$ par an et par PC, avec 40 millions de PC vendus au niveau mondial. En 2010, on est toujours à environ 180$ par an et par PC, avec 300 millions de PC vendus dans le monde et un chiffre d'affaire de 58 milliards de dollars (documents financiers remis à la SEC, notamment celui-ci). Pour la France, ces dernières années, avec 8 à 9 millions de PC par an (2,3 millions au deuxième trimestre 2011 selon Gartner, cité par Clubic), on dépasse le milliard d'euro (en prenant 1,4$ pour 1 euro).

Pourquoi automatiquement ? Parce qu'aujourd'hui, les logiciels pré-installés sont écoulés par une vente forcée : impossible d'acquérir la plupart des ordinateurs sans un système d'exploitation de Microsoft, cela aux dépens d'autres systèmes que l'utilisateur peut souhaiter installer tout seul (PDF). Cette vente forcée est constatée par les jurisprudences les plus récentes et ressort clairement des analyses de marché. Par exemple, la part de Windows est de 93% (chiffre stable) sur les PC de bureau alors qu'elle est de 0,46% sur les mobiles et les tablettes. Cette très légère différence démontre la vente forcée.

Pour remédier à cette vente forcée, les députés français ont discuté une fois encore (rappelons la versatilité de certains) de la pertinence d'amendements sur le découplage matériel/logiciel début juillet 2011. Il s'agissait de la discussion du projet de loi sur les droits, la protection et l’information des consommateurs, au sein de la Commission des affaires économiques. À cette occasion, certains députés ont d'ailleurs tenu des propos d'un autre âge, affirmant par exemple que 98% des gens ne savent pas installer un logiciel, un chiffre qu'ils ne justifient pas, d'autant que le CREDOC a montré au contraire que 46% des gens estiment ne pas avoir besoin d'aide en général. Les amendements ont toutefois été rejetés.

Si de tels amendements ont le grand mérite de mettre la question sur la table, sont-ils vraiment nécessaires ? En fait, nos victoires, y compris en Cassation, montrent régulièrement que les pratiques commerciales actuelles sont clairement déloyales. La législation française est donc largement suffisante, en l'état, pour contraindre les professionnels à adopter des pratiques commerciales acceptables. Mais les gouvernements successifs ne la font pas appliquer. En tolérant cette vente forcée, ils défendent une économie de rente et privent la France de tout espoir de réduire progressivement ce milliard qui pèse sur le commerce extérieur français. En l'état, aucune alternative, aucun concurrent, français, européen ou autre, ne peut émerger sur ce marché, alors que des solutions simples existent. Et ces échanges de certains députés aujourd'hui, certains ministres par le passé, montrent leur prise de conscience insuffisante. À sept mois de l'élection présidentielle, le gouvernement peut encore agir sur ce sujet où nul texte législatif supplémentaire n'est nécessaire.

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