Des pouvoirs publics négligents, coulants ou... complices ?

On ne peut que s'interroger devant l'apparente volonté des pouvoirs publics de sauver à tout prix la vente liée. Au-delà du refus évident de regarder la réalité de la situation, une lecture attentive des arguments ressassés montre que la DGCCRF réinvente la jurisprudence par le jeu de glissements sémantiques successifs.

La notion « d'exception à la prohibition de la vente subordonnée » n'a pas de sens

On l'a vu, la Cour de cassation ne parle pas « d'exception à la prohibition » de la vente subordonnée, mais s'interroge pour savoir si l'offre commerciale doit être regardée comme un bien unique, ce qui la sort du champ d'application de la prohibition. La prétention des constructeurs en ce sens a l'avantage de la cohérence sur la position de l'administration qui reconnaît elle-même que matériel et logiciel sont deux produits distincts.

C'est cette impossibilité de considérer matériel et logiciel comme un bien unique qui force l'administration à un écart par rapport à la jurisprudence et à recourir à la notion d'exception à la prohibition.

Examiner, comme elle le fait également, la régularité de la vente liée au regard des règles sur la vente par lots n'aurait pas de sens si matériel-logiciels constituaient un seul produit. Pour l'anecdote, rappelons que son examen demeure sans conséquence car l'administration trouve, cette fois, une exception aux règles de la vente par lots.

Où il n'est plus question que « d'un » intérêt pour le consommateur

Alors que le jugement parle de « pratique commerciale instaurée dans l'intérêt des consommateurs », la DGCCRF évoque une « pratique commerciale [qui] peut être considérée comme présentant un intérêt pour le consommateur». C'est clairement s'éloigner des termes employés par la Cour de Cassation surtout quand, pour les besoins de la démonstration, elle ne veut voir qu'un consommateur abstraitement et exclusivement considéré sous l'angle de sa nullité en informatique !

Clairement, en évitant l'examen de l'intérêt pour l'ensemble des consommateurs et en ne procédant pas à un examen global de la situation, les pouvoirs publics éludent les critères essentiels de la jurisprudence : l'innocuité de la pratique et l'équilibre des intérêts.

L'invention du critère de la fonctionnalité de l'offre

Les rares exemples fournis par la jurisprudence : « pack », « séries » caractérisés par la similarité entre les produits montrent que la tolérance dans le domaine informatique procède d'une extrapolation. L'argument de fonctionnalité vise une nouvelle fois à masquer le caractère distinct du matériel et des logiciels.

En invoquant l'intérêt du consommateur novice à disposer d'un matériel nécessitant un minimum de manipulation, l'administration procède non seulement, nous l'avons vu, à une focalisation abusive, mais déplace l'objet de cet intérêt de l'offre elle-même (acquérir directement un pack, une série complète) à l'usage du bien. Elle présume donc grandement de l'intention des consommateurs dans leur ensemble.

Le fondement n'est plus à proprement parler l'intérêt « économique » mais la fonctionnalité du produit d'ensemble. Essayant de se rattraper, la DGCCRF avance que l'offre liée est nettement moins coûteuse que le recours à des logiciels vendus séparemment du matériel. Elle commet, ce faisant, un grossier mensonge en assimilant des offres logicielles totalement différentes : d'un côté, des licences OEM dont l'usage est limité sur le seul matériel d'origine ; de l'autre, des licences "boîtes" qui autorisent l'implantation sur plusieurs machines successives.


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