D'un côté, un bien acquis en pleine propriété, de l'autre un service soumis à un régime de droit d'usage. Les constructeurs sont d'ailleurs les premiers à déférer à cette contrainte (y compris Apple !) : le contrat de licence d'utilisateur final (CLUF) qu'il est nécessaire d'approuver, s'il est conclu avec le constructeur, nous rappelle que le logiciel appartient à un éditeur. Il rappelle aussi que son refus donne droit à remboursement.
L'affirmation croissante des marques d'éditeur de logiciels plaide dans le sens d'une distinction croissante. Au début, chaque constructeur avait un système d'exploitation propre à son matériel. Aujourd'hui, sur la base des standards matériels Mac ou PC, il existe une multiplicité de solutions logicielles. L'acquisition, sur un support matériel ou par téléchargement, de logiciels nouveaux, l'évolution de ces derniers, nous rappellent sans cesse cette distinction : il n'y a aucune raison de faire une exception pour le système d'exploitation.
Rappelons que matériel et logiciels ne sont pas soumis au même régime comptable : leur durée d'amortissement diffère, ce qui permet aux PME et PMI de faire de substantielles économies d'impôts. D'ailleurs la vente liée est proscrite dans le monde professionnel. Pour les particuliers aussi, il existe plusieurs types de contrat de licence pour un logiciel donné. Il y aurait donc toute raison de laisser le choix au client quant aux règles d'usage qu'il entend se voir appliquer.
Le consommateur novice en informatique est-il plus avancé de disposer d'un système d'exploitation pré-installé ? Même si ce logiciel fait fonctionner la machine, il n'est d'aucune utilité en soi, contrairement aux applications : traitement de texte, gravure, lecteur multimédia.
Dans la logique de la fonctionnalité, il n'y aurait donc pas de limite à ce que les ordinateurs soient préparés à l'emploi sur ces multiples besoins. Seulement, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) vient de confirmer la condamnation d'atteinte à la concurrence par Microsoft pour avoir systématiquement liée son lecteur média à Windows (lire le jugement). Indirectement, en condamnant la pré-installation systématique de ce lecteur, c'est bien réaffirmer la nature distincte des logiciels. La Commission européenne a franchi une étape supplémentaire en incriminant la pré-installation de Internet Explorer 6. Le temps viendra peut-être où elle s'attaquera à la racine : la pré-installation de Windows.
En attendant, on peut s'interroger sur la légalité en matière de concurrence de la prétention des constructeurs de particulièrment configurer leurs machines poure un système d'exploitation, toujours le même, surtout quand cette pratique va jusqu'au tatouage qui empêche tout installation d'un autre système. Cela va à rebours de l'évolution de l'informatique qui a été justement de sortir du lien entre machine et logiciel propriétaire. Le PC de Monsieur Tout le Monde aussi a une vocation de calculateur universel, pas de « tournedows », autrement dit de « machine à faire tourner Windows »
Plus concrètement, c'est l'argument lui-même de la nécessité pour le novice d'avoir un ordinateur immédiatement prêt à l'emploi qu'il convient de questionner. "Immédiatement" étant entendu au sens le plus stict.
Quelle difficulté représente l'installation du système d'exploitation à partir d'un CD quand l'utilisateur peut-être guidé à chaque étape ou même que la totalité du processus peut être rendu automatique ? Ce même utilisateur n'est-il pas bientôt confronté à des situations plus « difficiles » dès qu'il doit installer les applications et autres plug-in ? ou quand il doit ré-installer son système d'exploitation sans les CD ou DVD, puisqu'on ne les lui fournit plus comme naguère encore ?
Mais il y a plus ! Il existe d'autres moyens que la vente liée pour arriver à un résultat équivalent. Ils sont légaux, et beaucoup moins nocifs : code d'activation, version d'essai, téléchargement. Donc, à supposer que l'argument « de fonctionnalité » soit d'un quelconque intérêt pratique, il est sans valeur juridique. C'est sans raison que les pouvoirs publics s'autorisent une entorse à l'obligation de faire respecter la loi.