À un particulier qui l'interpelait par écrit sur l'inaction de la DGCCRF concernant la vente liée, Monsieur Emmanuel CONSTANS, Médiateur de la République, faisait en juillet 2004 la réponse reproduite ci-dessous. La lettre initiale est reproduite plus bas.
On constatera que début 2008, la DGCCRF n'a
toujours pas choisi la voie contentieuse
vis-à-vis des professionnels et des distributeurs.
Monsieur,
Par courriel en date du 8 juillet 2004 dont je vous ai accusé réception le 15 juillet, vous avez appelé mon attention sur la pratique de vente de micro-ordinateurs, sur lesquels est pré-installé le système d’exploitation Windows de la société Microsoft. Vous estimez qu’il s’agit, dans ce cas, d’une vente liée prohibée par l’article L 122-1 du Code de la consommation qui interdit de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantitée imposée, ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service.
J’ai procédé à un examen très approfondi de votre demande. Il en ressort que les pratiques que vous décrivez sont bien connues des services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Des exceptions à la prohibition de la subordination de vente ont été tolérées dès lors que la pratique commerciale peut être considérée comme présentant un intérêt pour le consommateur. Il s’agit notamment du cas d’un premier achat par un consommateur d’un micro-ordinateur et, le cas échéant, de divers périphériques de loisirs, équipement dont le fonctionnement ne nécessite qu’un minimum de manipulation, ce qui présente un avantage indéniable.
L’administration précitée qui, pour le moment, et dans un premier temps, privilégie la voie de la négociation et de la persuasion avec les professionnels et les distributeurs de matériels et de logiciels informatiques suit très attentivement l’évolution de l’offre et de la demande dans ce secteur d’activité. Elle poursuit actuellement son action dans le sens d’une meilleure adéquation des produits mis sur le marché aux besoins diversifiés des consommateurs.
Il va de soi que, si la situation évoluait au préjudice sensible des consommateurs, la voie contentieuse serait choisie par l’administration. Et ce d’autant plus que l’élargissement rapide de ce marché infléchit désormais la demande dans le sens d’une diversification de l’offre dans toutes ses formes de distribution.
Espérant par ces explications avoir répondu à votre demande, je vous prie de croire, Monsieur, à l’assurance de ma meilleure considération.
Le Médiateur, Emmanuel CONSTANS
Monsieur le Médiateur,
[introduction que je passe]
La DGCCRF est informée des problèmes que je vais évoquer, mais elle n’apporte aucune justification ni ne prend aucune décision, et ce depuis plusieurs années. En ce qui concerne mes démarches personnelles, j’ai écrit à la DDCCRF de Paris en octobre et en novembre 2003 (N° : PI - 2003-05686 / 2003-11022), et j’ai reçu une réponse peu précise à ma lettre d’octobre, mais pas de réponse à ma lettre de novembre.
Quand un particulier veut acheter un ordinateur, il va chez un distributeur. Là, on lui propose certains modèles, qui coûtent au minimum 800€, et qui sont tous pré-installés avec Microsoft Windows et d’autres logiciels. À défaut de choix, et à défaut d’information sur les alternatives nombreuses, le particulier achète un ordinateur sans rechigner, et paye ces licences logicielles 150 à 200€ au minimum, et souvent plus (tout dépend du nombre de logiciels installés). Le particulier déballe alors son ordinateur et découvre les licences d’utilisation qu’il « doit » accepter pour utiliser son ordinateur. Ces contrats de licence prévoient un remboursement des logiciels en cas de désaccord. Et ce remboursement n’a pratiquement jamais lieu : de nombreuses personnes ont essayé ont été renvoyées entre distributeur et constructeur, sans arriver à leurs fins, jusqu’à la veille d’un procès, où le constructeur a accepté un « geste commercial » de 300€ environ...
Plusieurs points semblent illégaux dans ce système de vente, mais ils n’ont jamais été tranchés, à défaut de procès ou de décision des DDCCRF.
Ce qui est illégal, c’est, d’une part, le fait que Windows soit imposé avec le nouvel ordinateur. C’est de la vente liée. En outre, le prix des licences n’est pas indiqué lors de la vente (alors qu’un professionnel aurait besoin de ces informations pour sa comptabilité).
Ce qui est illégal aussi, c’est qu’il soit impossible de consulter les contrats de licence avant l’achat.
Ce qui est illégal enfin, c’est que la proposition de remboursement ne soit pas respectée de la part des éditeurs de logiciels.
Ce qui est immoral, c’est que le montant en jeu, pour un ménage, est très important. Les consommateurs vont comparer les ordinateurs, les différences de prix à 100€ près, sans avoir le choix de dépenser ou non 200€.
En regard des logiciels proposés, les ménages pourraient disposer d’alternatives gratuites (logiciels libres) qui sont, d’une part, tout aussi simples à utiliser que les logiciels proposés d’office, et d’autre part, beaucoup plus sécurisés contre les virus. Soyons clairs : un PC avec logiciels libres est, au cours de sa « vie », beaucoup moins source de tracas qu’un PC sous logiciels propriétaires, et ce même (en particulier ?) pour les novices.
Les constructeurs, les distributeurs mettent en avant la « simplicité » d’utilisation des PC qu’ils proposent, mais cet argument, nous venons de le dire, ne tient pas. Bien que je ne veuille accuser personne sans fondement factuel, il semble (sur les avis de constructeurs recueillis) que Microsoft impose aux constructeurs de livrer tous leurs PC avec Windows, sous peine d’en augmenter le prix unitaire. Dans un marché concurrentiel tel que le marché informatique, si un constructeur « perdait » 20€ sur l’achat de Windows, ses ventes baisseraient fortement. Donc les constructeurs « imposent » tous Windows en série. Microsoft semble donc clairement abuser de sa position dominante.
J’ai aussi noté et là, c’est factuel, sur le site de Microsoft, que Microsoft imposait à ses revendeurs (donc aux constructeurs) de ne pas indiquer le prix des logiciels. Microsoft interdit la transparence.
Évidemment, les DDCCRF ont été souvent saisies de ce problème, par de nombreuses personnes. Elles reconnaissent toutes, peu ou prou, que matériel et logiciels sont soumis à des droits distincts (possession du matériel, utilisation du logiciel, ce qui interdit la revente d’occasion). Et la réponse faite par ces DDCCRF consiste, en général, à temporiser la réponse objective, et à attendre une synthèse de la DGCCRF. Reste qu’une décision de la DGCCRF se fait attendre depuis plusieurs années déjà...
Pourtant, les solutions existent : il serait très facile, soit d’indiquer le prix des logiciels et d’en proposer clairement le remboursement, soit de vendre indépendemment un « code d’activation » des logiciels pré-installés mais non activés.
Je vous écris, Monsieur, car je pense que ni les lois du marché, ni les lois de la République, ne sont respectées ; je vous écris car cet état de fait me choque, alors que de nombreux ménages économisent pour acheter un PC à la rentrée ; je vous écris car des « professionnels des logiciels » viennent de clamer que les Français « pirataient » leurs logiciels en dépit des lois, alors que eux-mêmes utilisent des viatiques peu louables pour faire fi de ces lois ; je vous écris car ceux qui, comme moi, voudraient que les choses changent, confinent leur action à la stricte légalité, et se heurtent à l’illégalité et au silence (ce qui laisse penser que nous avons raison sur le fond).
Je vous écris, Monsieur le Médiateur, pour que vous demandiez à la DGCCRF une position officielle sur ces points : la vente de matériel informatique conjointement avec un droit d’utilisation de logiciel constitue-t-elle une vente liée ? La non-indication du prix des licences enfreint-elle la loi ?
Je vous remercie de m’avoir lu jusqu’ici, Monsieur, et vous prie de croire en mon entière confiance.
Matthieu Coutière